L’église Saint-Martin d’Ambleny

Depuis longtemps, l’église d’Ambleny a fait l’objet d’études et de publications. En 1857, l’abbé Poquet en donne une description détaillée et un plan sommaire. Eugène Lefèvre-Pontalis, historien de l’architecture, lui consacre quelques pages dans « L’architecture religieuse dans l’ancien diocèse de Soissons aux XIe et XIIe siècles » paru en 1897. L’abbé Letombe, curé d’Ambleny de 1892 à 1902, qui avait des connaissances en archéologie et historien à ses heures, a republié les écrits de l’abbé Poquet en 1899. Puis Émile Lambin, professeur d’archéologie, publie une courte notice dans le bulletin d’Ambleny daté du 15 février 1900. L’église figure en bonne place dans un ouvrage d’Eugène Moreau-Nélaton, en 1914. L’architecte Gabriel Brun choisi, en 1923, la restauration de l’église pour sujet en vue de l’obtention du diplôme d’architecte des Monuments historiques. Enfin, en 2001, Dany Sandron propose une nouvelle notice dans « Picardie gothique », son étude sur les églises du Soissonnais et du Laonnois.

Rendons particulièrement hommage ici à Onézime Hénin, natif d’Ambleny. Maçon, sculpteur et monumentiste, il a rédigé des observations techniques sur la façon dont l’église était construite en 1914 et sur sa reconstruction après la guerre, accompagnées d’une centaine de photographies d’avant, pendant et après la Grande Guerre.

Petit historique

L’église Saint-Martin d’Ambleny a été édifiée sur l’emplacement d’une première chapelle dédiée à saint Jean l’Évangéliste, qui se trouverait sous l’actuel transept nord. Commencée au XIIe siècle, sa construction, qui a subi de nombreuses modifications et restaurations au fil du temps, a été achevée au XVIe siècle. La plus ancienne mention de l’église, et du village, date de 1040, lorsque le chapitre de Soissons reçoit d’un comte Guy, probablement comte de Soissons, l’autel d’Ambleny. Et encore en 1089, en raison des exactions exercées à Ambleny par le seigneur de Pierrefonds sur les hommes du chapitre de Soissons. Ces exactions cesseront vers 1140, date à laquelle Dreu de Pierrefonds est autorisé à construire la tour [voir l’onglet Histoire de la tour]. Après cet accord, la sécurité règne dans le village et cette période de paix, signe de prospérité, voit l’augmentation de la population et de nouvelles exploitations agricoles.
Arrive la guerre de Cent Ans (1337-1453), pendant laquelle l’église a eu sans doute à souffrir des attaques menées contre la tour située en toute proximité. Au début du XVe siècle, la population déserte le village pendant plusieurs décennies, puis l’activité économique redémarre à la fin du siècle. On peut alors songer à rénover l’église. Au début du XVIe siècle, la famille Raquet semble avoir été bienfaitrice de l’église. En effet, en 1914, ses armoiries y figuraient à plusieurs endroits.

Au cours des siècles suivants, l’église n’est plus modifiée. Seuls des aménagements intérieurs viendront l’embellir : l’autel Saint-Jean au XVIIe siècle, les lambris du chœur au XVIIIe, etc. À la Révolution, elle est dépouillée d’une partie de son mobilier. Les armoiries gravées sous les niches des piliers extérieurs sont effacées. Pendant la Première Guerre mondiale, l’église a été épargnée par les bombardements jusqu’à l’offensive allemande en juin 1918. En une quinzaine de jours, elle est en grande partie détruite, comme le centre du village, et il faudra près de vingt ans pour la relever de ses ruines.

L’église aujourd’hui

L’église Saint-Martin est constituée d’une nef flanquée de deux bas-côtés, d’un double transept et d’une abside polygonale. Le clocher, à toiture en bâtière, surmonte la croisée du transept.

Depuis Lefèvre-Pontalis, différentes datations sont retenues. Le premier transept et la travée du côté du grand portail sont datés du XIIe siècle. Les quatre travées de la nef et les bas-côtés datent du début du XIIIe siècle (1220), ainsi que le grand portail et le clocher. Le premier transept est du XIIe siècle. Le second transept et l’abside sont datés du XVIe siècle. Le transept et le chœur ont été construits en plusieurs phases avant une transformation radicale au XVIe siècle.

Au premier regard, l’église semble avoir été fidèlement restaurée. Toutefois, elle a aujourd’hui un aspect solide et parfait qu’elle n’avait pas avant la guerre, car des modifications ont été apportées. En 1914, elle présentait quelques désordres comme des fissures au-dessus de l’arc triomphal, dans le transept sud, sur la façade occidentale… Ces désordres résultaient de modifications ou d’imperfections de l’édifice qui ont disparu avec les restaurations qui ont aussi apporté des transformations. Aujourd’hui, le deuxième lit d’arcs-boutants est en saillie sur la toiture des bas-côtés, alors qu’autrefois il était caché ; l’accès à la crypte, situé derrière l’autel, a été condamné et remplacé par une niche qui n’a aucune signification. Quant au clocher, selon Gaston Hénin, fils d’Onézime, l’architecte chargé de la reconstruction aurait pris la décision de le réhausser de 75 cm pour donner plus d’élégance à l’édifice.

À l’extérieur le tympan du grand portail était orné de peintures qui représentaient saint Pierre, saint Martin et Notre-Seigneur. Entre deux chapiteaux, à gauche, on distingue encore une sculpture représentant saint Laurent couché sur son gril. Au-dessus du portail, deux fenêtres plein cintre et une grande fenêtre du XVIe. Les bas-côtés sont entablés d’une corniche ornée de figurines grotesques. Les pignons des transepts sud sont surmontés chacun d’une sculpture, l’un d’une statue de saint Martin, patron de l’église et du village, l’autre d’une belle croix de pierre. Le clocher, remanié dans le style du XVIe siècle, abrite quatre cloches dans sa tour carrée.

À l’intérieur, les deux premiers piliers de la nef sont différents des autres. Celui du nord (à gauche), à plan carré, décoré de profils prismatiques, date du XVIe siècle, époque à laquelle la partie haute de la nef et le pignon ouest ont été refaits. Le pilier sud, constitué d’un faisceau de huit colonnettes, date probablement de la fin du XIIe siècle et a été modifié au XVIe siècle. Il fait le pendant au faisceau adossé à la façade ouest qui supporte la première arcade de la nef. La base et le sommet de ce pilier ont été refaits, probablement à la suite de la réfection complète de la superstructure de cette travée. En effet, l’étage a été remodelé à cette époque, comme en témoignent les deux fenêtres hautes de la nef et la grande verrière ouest. Il est probable que, par souci de simplification mais aussi pour suive une nouvelle mode, ces piliers complexes ont été remplacés par les fûts cylindriques. En tout cas, ce changement marque une interruption du chantier.

Pour la façade occidentale, le rapport de Gabriel Brun indique que « le tympan formé d’une grande dalle n’occupe pas toute la hauteur de l’arc et porte des traces de l’arc primitif très peu aigu ou même en plein cintre ». Selon lui, il y aurait eu « modernisation » du portail en remplaçant l’arc supérieur en plein cintre par une ogive. L’examen de cette partie de l’église restée intacte permet d’admettre cette hypothèse. Toutefois, le réemploi d’un tympan provenant de l’édifice précédent n’est pas à exclure.
Onézime Hénin écrit : « Dans le pignon au-dessus de la porte, il y avait avant la grande fenêtre […] une rosace pas très grande car les deux fenêtres existaient en même temps. […] Avant la guerre on voyait, du côté de l’intérieur de l’église, une bonne partie du cintre de cette rosace. » Il précise que la grande fenêtre dépassait au moins de 80 cm au-dessus des voûtes et que cela prouverait que la nef, au début, n’était pas voûtée. L’abbé Letombe se demande si cette fenêtre avait été conçue si haute parce qu’on projetait de relever les voûtes ou si elle était autrefois plus haute, car, selon lui, « l’escalier qui conduisait dans les combles a été interrompu par la construction de la voûte ». Cet escalier sud n’a pas été détruit pendant la guerre et son examen confirme qu’il se prolongeait plus haut, très certainement pour desservir le comble de la nef. L’escalier nord desservait le comble du bas-côté nord et la tribune qui semble exister dès le XIIIe siècle. Un orgue moderne a remplacé l’ancien détruit pendant la Guerre de 14-18